20:00 à Brookfield, je gare ma Dodge Charger au garage et ferme à clef. Il y a peu de chance que je me fasse voler ma voiture dans ce quartier, ma mère est connue ici et tous savent qui je suis mais ce n'est pas une raison pour simplifier la tâche d'un opportuniste qui voudrait s'en prendre à une voiture inrevendable du fait des 500 exemplaires seulement construits. Une fois sûr que mon garage est bien fermé, je rentre dans l'immeuble et passe voir maman à son appartement. J'entre sans frapper et la trouve en train de faire la cuisine.

- Bonsoir maman.
Maman - Bonsoir mon fils. Ta journée s'est bien passée ?
- Ca va, et toi ?
Maman - J'ai passé ma journée à la paroisse.
- Comme d'habitude.
Maman - Oui. Tu manges avec moi ?
- Si tu veux, ça m'évitera de me faire à manger en 5 minutes.
Maman - Alors met la table.
- Ca marche.

J'entre dans la cuisine et sort de quoi mettre la table. Même après toutes ces années, les choses n'ont pas changé de place et pour un peu j'aurais l'impression d'avoir voyagé dans le temps. Il me suffit de me regarder dans une glace ou de voir les rides de maman pour m'assurer que ce n'est pas le cas. Nous sommes bien en 2013 et maman ne peut plus compter que sur moi maintenant. Je dresse la table et me sort une bière du frigo après avoir demandé à maman si elle en veut une. Je m'appuie ensuite contre les éléments de la cuisine et discute de sa journée avec ma mère.

Maman - Tu viens quand à l'office avec moi ?
- Arrête avec ça, maman... Tu sais que ce n'est pas mon truc.
Maman - Tu venais pourtant avec moi avant ?
- C'était avant de voir la mort en face, maman. Les prières n'ont jamais dévié les balles.
Maman - Tu me déçois, Neil.
- Quand je serais prêt, je viendrais avec toi.

Je lui dit ça pour lui faire plaisir mais je n'en crois pas un mot et elle le sait probablement. On ne peut jamais mentir à sa mère sans qu'elle ne s'en doute mais cela semble lui suffire pour l'instant. Je mange avec elle et débarrasse la table avant de l'embrasser pour lui souhaiter bonne nuit. Je monte ensuite à mon appartement et pose mon arme dans le tiroir de la cuisine avant d'aller me servir une nouvelle bière. Je me pose ensuite dans le canapé et allume la télé avant de zapper sur une chaine de sport. Je regarde quelques minutes d'un match de baseball entre les Indians de Cleveland et les White Sox de Chicago le temps de finir ma bière et la dépose sur la table basse avant de me lever pour aller prendre une douche.

Je vais prendre un caleçon propre dans le placard de la chambre et file à la salle de bain. Mes vêtements sales atterrissent dans le panier à linge puis je me glisse sous la douche et me lave avant de laisser couler l'eau pour me détendre. Une bonne douche en fin de journée m'a toujours aidé à dormir et j'en ai besoin en ce moment avec le boulot au centre de tir. A la sortie de la douche, je me sèche avant d'essuyer le miroir de la salle de bain et lorsque je me vois dans le miroir, je décide de passer par la case rasage. J'avoue que depuis que je ne suis plus sous les drapeaux, mon rasage laisse parfois à désirer mais je ne supporte toujours pas une barbe de plus de 2 ou 3 jours.

Une fois rasé et sec, j'enfile mon caleçon propre et ouvre la petite fenêtre pour aérer avant de sortir de la salle de bain. Dès la sortie, un étrange sentiment désagréable m'envahit. A tel point que mon premier réflexe est de me glisser dans la cuisine pour y récupérer mon Kimber. Je ne sais pas ce qui me pousse à faire ça mais il y a quelque chose qui cloche. Sans pour autant entreprendre de sécuriser l'appartement comme si j'étais en opération, je visite quand même les pièces tout en sentant le malaise s'ancrer en moi sans pour autant arriver à comprendre ce qui me met dans cet état. Ce n'est qu'en revenant dans le salon que je met enfin le doigt dessus. Ma bouteille de bière vide n'est plus sur la table.

- Tu perds la tête Woodman. Tu ne laisse jamais trainer une bière vide.

Je me dis ça pour me rassurer mais je sais très bien que je ne l'ai pas jetée tout à l'heure. Pour en avoir le cœur net, je vais quand même regarder dans le carton qui me sert à jeter les verres vides mais n'y trouve pas ma bouteille de ce soir.

- C'est quoi ce merdier ?

Je n'y comprends rien. J'appelle maman pour savoir si elle est passée chez moi pendant que j'étais sous la douche mais devant la négative, je comprends encore moins. Où est passée cette bouteille ? Et encore plus important, qui l'a prise ? Je n'aime pas ça et, tout en gardant mon Kimber en main, je recommence l'inspection de mon appartement tout en vérifiant les fenêtres et la porte d'entrée.

Sans même avoir mis le réveil, j'ouvre un œil à 06:00 pile. Au lycée, j'étais plutôt un lève-tard mais après 13 ans dans l'armée, je n'arrive plus à dormir longtemps le matin. Ayant largement le temps avant d'aller voir la police, je me lève tranquillement et fais un détour par les toilettes avant d'aller à la cuisine pour déjeuner. Je met la radio pour me tenir compagnie et écoute les infos tout en déjeunant d'un café et de quelques biscuits trempé dedans. Une fois le repas terminé, je fais la vaisselle et vais prendre une douche avant de me raser de près. Une fois habillé d'un pantalon de treillis beige et d'un sweat-shirt noir, je glisse le sac transparent qui contient la sucette pour bébé dans un sac à dos et enfile une paire de boots ainsi qu'une veste.

Je quitte ensuite mon appartement et verrouille derrière moi, même si la visite de cette nuit m'a montré que cela ne servait pas à grand chose. Je descend ensuite les escalier et quitte l'immeuble avant de me diriger vers mon garage. Le poste de police n'est pas loin mais une fois que j'en aurais fini là-bas, je monte directement à Black Mountain Shooting Range pour bosser, ça me permettra de ne pas trop perdre de temps si je vais voir la police avec ma voiture. Le moteur est à peine chaud lorsque je me gare sur un parking en face du commissariat avant de traverser la rue sur le passage piéton. A l'entrée, je me dirige vers l'accueil et explique mon problème au policier en faction.

- Bonjour.
Policier - Bonjour monsieur.
- Mon appartement a été visité cette nuit, je voudrais voir quelqu'un pour ça.
Policier - Vous êtes monsieur ?
- Woodman, Neil Woodman.

Je lui épèle mon nom de famille.

Policier - Asseyez-vous là, quelqu'un va venir.
- Merci.

Je récupère mon sac à dos à mes pieds et vais m'assoir en face de l’accueil en attendant qu'un autre policier puisse m'entendre. Quinze minutes plus tard, un jeune policier appelle mon nom dans le hall. Il ne doit pas être sorti de l'académie de police depuis longtemps et je ne sais pas si c'est une bonne chose pour moi. J'espère qu'il pourra comprendre tout ce qui se cache derrière la visite de cette nuit.

- Bonjour.
Jeune policier - Bonjour monsieur Woodman, suivez-moi.

Je lui suis jusqu'à un bureau où il me fait signe de m'asseoir. Lorsqu'il s'installe, il ne prend pas pour autant la parole. Je ne le pensais pas aussi inexpérimenté que ça. C'est bien ma veine. Pour éviter de perdre des heures, je décide de prendre les choses en main et lui explique la raison de ma venue.

- Hier soir, j'étais dans ma salle de bains. Pendant que je prenais ma douche, une personne est entrée dans mon appartement sans laisser la moindre trace d'effraction et s'est donné beaucoup de mal pour que je sache que mon appartement avait été visité. Des objets ont été déplacés, une canette de bière a disparu et j'ai trouvé ça...

Je lui sors la sucette emballée dans le sachet plastique et la pose sur le bureau.

- Sous mon lit, alors qu'il n'y a jamais eu de bébé dans mon appartement et que le ménage est fait de fond en comble toutes les semaines. J'ai inspecté tout l'appartement et en regardant par la fenêtre, j'ai vue de l'autre coté de la rue un homme avec un long pardessus et un chapeau démodé regarder vers mes fenêtres. Je l'ai juste aperçu le premier coup et quand j'ai regardé à nouveau, il avait disparu.